AMAZING SPIDER-MAN #600

Publié le par Youtokine Toumi

Scénarios: Dan Slott, Stan Lee, Mark Waid, Bob Gale, Marc Guggenheim, Zeb Wells, Joe Kelly
Dessins: John Romita Jr., Marcos Martin, Colleen Doran, Mario Alberti, Mitch Breitweiser, Derec Donovan, Max Fiumara
Encrage: Klaus Janson (pour l'histoire principale)

Bon, en dépit du boulot, des obligations personnelles, et autres joutes verbales stériles avec des blaireaux sur le net, je suis enfin venu à bout des quelques 100 pages du numéro 600 d'Amazing Spider-Man.
Avant de rentrer dans le détail du contenu, j'aimerais mentionner deux points que m'a inspiré la lecture de ce numéro.
Premièrement, il est clair que l'un des avantages (certains y voiront un détail, pour moi c'est un avantage) de Marvel par rapport à DC est l'ancrage des personnages Marvel dans la réalité. Loin des Metropolis et autres Gotham City fictifs, l'idée de Stan Lee de baser ses personnages à New York, motivée à la base par un "c'est plus pratique pour moi, je connais la ville", s'est avérée à la longue être un formidable moteur d'un point de vue autant marketing que créatif. Je suis en effet persuadé que le fait de pouvoir se référer à des lieux existants (exemple: le Hell's Kitchen où "sévit" Daredevil) a joué un grand rôle dans le processus d'empathie du lecteur vis-à-vis des personnages et des histoires, et a de ce fait contribué à la fidélisation du lectorat. Ce procédé (volontaire ou non, je ne sais pas) est poussé à l'extrême avec le personnage de Peter Parker/Spider-Man qui pousse le sentiment d'empathie jusqu'à l'identification puisque Parker représente pratiquement à lui seul la cible type des lecteurs de comics. Qui ne s'est pas reconnu dans le Parker-lycéen geek ou dans le Parker-jeune adulte ramant pour payer son loyer ou jongler avec ses relations sentimentales? Peter Parker EST le lecteur, Spider-Man est le "Tyler Durden" du lecteur. Il n'est pas étonnant, vu sous cet angle, que Spider-Man soit devenu le personnage phare de l'univers Marvel.
D'un point de vue créatif, on peut voir le benéfice de cette différence entre Marvel et DC, dans le travail de scénaristes actuels comme Bendis ou Millar qui arrivent à nous pondre des histoires aussi intelligentes que divertissantes en jouant avec les contradictions engendrées par la douce naïveté des idées originelles de Stan Lee. Exemples: le fait que Daredevil soit un avocat qui passe ses nuits à enfreindre la loi ou encore que Iron Man, défenseur de la veuve et de l'orphelin, ait quand même fait fortune en vendant des armes!
L'autre point que je voulais signaler est que ce numéro de Spider-Man m'a rappelé qu'il fut une époque où les comics... ne se prenaient pas au sérieux. Ca n'a l'air de rien comme ça mais lorsque l'on voit l'hécatombe de personnages qui semble être devenu la marque de fabrique chez DC, ou les virages politiques que prennent les histoires chez Marvel (bon, Captain America anti-fasciste dans son propre pays, c'était quand même extraordinairement bien joué), on oublie que ces héros que l'on affectionne tant avaient été à la base créés dans un but de pure divertissement.
Mais venons-en au contenu. L'honneur de scénariser l'histoire principale d'Amazing Spider-Man 600 revient à Dan Slott, le scénariste Marvel possédant probablement le meilleur sens de l'humour parmi ses congénères; il n'y a qu'à voir son run sur She-Hulk, à la limite du loufoque, pour s'en convaincre.
Slott est le choix parfait pour écrire les dialogues de
ce bon vieux Spidey dont tout fan sait qu'il est pratiquement obligé de dire des conneries lorsqu'il est en costume. Et c'est à un florilège de répliques cinglantes ("tu t'attendais à de la modestie de la part d'un gars qui se fait appeler Mister Fantastic?") et parfois hilarantes ("quelle griffe?", faudra lire pour comprendre) auxquelles on a droit dans ce numéro. Il m'est rarement arrivé de rire à haute voix en lisant une BD mais c'est pourtant ce qui s'est passé lorsque je suis parvenu à la page où Spider-Man se demande comment il doit appeler Docteur Octopus étant donné son nouvel aspect. Ah oui, car Doc Ock est le vilain de service dans ce numéro et Slott s'est amusé à le redesigner d'une manière qui fera peut-être froid dans le dos à certains ou regretter le binoclard bedonnant à d'autres, mais qui ne manquera certainement pas de diviser les opinions dans la communauté des fans "hardcore". Pour ma part, je trouve que c'est plutôt réussi malgré le fait que, comme je l'ai dit plus haut, il est dommage que l'aspect fun des personnages soit systématiquement remplacé de nos jours par des versions "sombres". L'idée de Stan Lee de créer un super-vilain qui se balade avec des lunettes, fallait quand même oser, non? Il faut apparemment le croire puisque plus personne n'ose le faire aujourd'hui, ce ne serait pas assez... coooool.
Slott poursuit également la méthode Marvel d'essaimer ça et là des points de références "réels" afin de générer cette fameuse empathie des lecteurs puisqu'on apprend que Spidey, en plus de trimballer son appareil photo à la ceinture, se promène maintenant aussi avec son portable, ou encore que Johnny Storm utilise Twitter. Ce genre de gimmick scénaristique pourrait sembler grossier ou maladroit mais ça passe lorsqu'on a l'humour d'un Dan Slott.
Coté dessins, le vétéran John Romita Jr. nous fait grâce de son talent habituel. Romita Jr. bénéficie d'une adulation pratiquement incontestée de la part des fans et je ne serai pas le dernier à dire que j'apprécie énormément son travail mais il me semble que son style commence à devenir un peu caricatural, voire simpliste. Cela dit, c'est encore loin de ressembler à du Umberto Ramos (que j'apprécie aussi, d'ailleurs).
Pour ce qui est de l'intrigue, je ne rentrerai pas dans les détails afin de ne pas trop spoiler (note: ça se prononce spoy-ler, pas spwaler) et me contenterai de dire que les détracteurs de "Brand New Day" apprécieront sûrement le retour d'un visage familier. Tiens, puisque l'opportunité m'est donné de parler de ça, voilà d'ailleurs mon avis personnel sur "Brand New Day": je pense que ce "retcon" de la continuité des aventures de Spidey était certes extrêmement maladroit mais nécessaire. Marvel a en effet complètement déconné dans le traitement du personnage, non pas avec Brand New Day (bien que "complètement déconné" peut très bien s'appliquer là aussi) mais lors d'un point crucial dans la continuité narrative: le dévoilement de l'identité du tisseur au milieu de la saga "Civil War". Car, alors que Bendis avait majestueusement mené l'idée hyper couillue de dévoiler l'identité de Daredevil en arrivant, au final, non seulement à éviter de détruire le personnage mais en plus à apporter de la richesse à son développement, Millar a commis l'erreur fatale de procéder à une révélation "officielle" de l'identité de Spider-Man. Parker ne pouvant dès lors plus nier qui était son alter-ego, le personnage s'est trouvé dans une impasse autant dans l'histoire que d'un point de vue créatif. J'imagine sans peine la rédaction de Marvel se poser la question "where do we go from here?" suivi d'un grand silence embarrassé. Maintenant, pourquoi être remonté si loin dans la continuité au point d'effacer carrément le mariage de Parker avec Mary-Jane? Je ne peux que supputer (non, ce n'est pas un gros mot) que Quesada a juste sauté sur l'occasion de virer une des choses qui l'emmerdait (oui, c'en est un) le plus dans l'historique de Spidey.
Mais assez de digressions. Pour en revenir à Amazing Spider-Man 600, je ne parlerai que brièvement des quelques autres histoires qui complètent ce numéro car elles n'apportent franchement pas grand chose que ce soit dans l'historique de Spidey ou même d'un point de vue purement distrayant. On notera le passage de Monsieur Stan Lee qui a encore osé se foutre gentiment de la gueule de sa propre création en l'envoyant chez un psychiatre nommé à juste titre Gray Madder (les anglophones pigeront la blague), Mark Waid nous offre un flashback de la vie de Peter Parker à la limite du gnangnan,  Bob Gale confirme son statut de scénariste peu inspiré avec une histoire insipide de gamin imaginant être Spider-Man, Guggenheim décoit un peu en prouvant qu'il peut être tout aussi gnangnan que Waid, Zeb Wells arrivera peut-être à vous faire rire avec son hommage à la... Spider-Mobile, et Joe Kelly se charge de nous presenter une intro (cryptique) de ce qui attend Spidey prochainement.
Ce numéro anniversaire d'Amazing Spider-Man n'a donc pas à rougir de son contenu grâce à l'inventivité de Dan Slott mais j'aurais préféré un peu plus que du remplissage de la part des scénaristes complémentaires. Je retiendrai quand même la leçon que beaucoup trop d'auteurs (pour ne pas dire le staff entier de DC) oublient de nos jours: comics are supposed to be FUN.

Prochainement: The Last Resort

Publié dans Comics Marvel

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B
Mdr!! C'est pour ça que je l'ai chroniqué ce film...profession oblige!!
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B
Tu....tu portes un chapeau??? Arf !! En fait tu verras que mon boulot m'a passablement fait claqué un vaisseau sanguin dans ma boîte cranienne!! Argh!! Mdr!!
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Y
<br /> Lol, en fait, j'aimerais bien me balader avec un stetson genre détective privé (pas genre cowboy) mais ça me va pas du tout, surement parce que j'ai la grosse tête!<br /> Et tant que tu pètes pas les plombs genre Nicolas Cage dans "Bringing Out the Dead", je pense que ça devrait aller... <br /> <br /> <br />
B
Salut!!! Je fais parti intégrante des blaireaux du net mais ne t'inquiète pas..j'aime ma condition!Mdr!! Sinon ça fait plaisir de voir un fan de comics et j'espère que tu continueras le plus longtemps possible. Entre nous je te comprends pour trouver le temps d'écrire: je suis ambulancier et quelque fois il est difficile de rentrer après 10 heures de boulot et de pondre un article et...de s'occuper de sa femme et son chien!lol!
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Y
<br /> En fait, j'ai écrit cet article au lendemain d'une discussion particulièrement pénible avec un gars extrêmement vicieux. Le genre de mec qui a que de la haine en lui. C'est à lui que je faisais<br /> référence en parlant de "blaireaux". Toi, tu m'as l'air d'un gars avec qui on peut discuter alors ne te sens surtout pas visé! <br /> Et si t'as l'énergie d'écrire avec un boulot d'ambulancier, je te tire mon chapeau!<br /> <br /> <br />
B
y en sont déjà au numéro 600?... moi qui n'ait même pas lu le premier...
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Y
<br /> Hey bro,<br /> Ben, ça te fera que 40 ans de lecture à rattraper!<br /> Sinon, tu peux peut-être trouver Spider-Borat, Friendly Neighborhood Superhero for Make Benefit Glorious Nation of Kazakhstan...<br /> <br /> <br />
T
Excellente critique inspirée et exaltante de ce « Amazing Spider-Man 600 ». Ca donne vraiment envie de le lire ! A quant la traduction en français ? Je confirme, à mon époque - et je lisais les aventures de « Spider-Man » et de son alter ego Peter Parker, il y a plus de trente ans de cela – le processus d’empathie et d’identification s’effectuait déjà. « Spiderman » est « LE » personnage de référence « nerd » par définition, même si jadis, le terme n’existait pas. <br /> <br /> J’adore quand les scénaristes prennent leur distance avec le mythe et qu’ils mélangent judicieusement comique et sérieux. Voir notamment le « Wanted » de Mark Millar, que je n’ai lu que très récemment, avec ces super-vilains qui se promènent la « tuyauterie » à l’air et qu’aucun adversaire n’ose affronter. Les scénaristes pourraient aussi évoquer les relations sadomasochistes qui unissent les protagonistes masculins avec certaines héroïnes des deux camps. Medusa et ses cheveux qui étouffent, la Veuve noire et ses dards, Miss Hulk et ses raclées monumentales. Même la très « WASP » Sue Storm possédait un fort potentiel érotique. Toutes, bien évidemment, sont vêtues de tenue moulante et sexy en diable ! Dans ces conditions, le lecteur se demande pourquoi « Spidey » préfère se coltiner un vieillard bedonnant et moche comme le « Docteur Octopus » ! Un vrai bonheur pour les psychanalystes.<br /> <br /> Si, avec la patine du temps, les histoires sont entrevues comme uniquement distrayantes, elles étaient pourtant considérées par les lecteurs d’alors comme sombres (cf. la mort de Gwen Stacy et consorts). Le désir de Stan Lee a toujours été d’intégrer une dimension supérieure à ses intrigues de personnages en collants colorés et de faire réfléchir son auditoire (lutte contre le racisme avec les « X-Men », etc.). <br /> <br /> Je sais que John Romita Jr compte beaucoup de détracteurs, justement à cause de ses dessins « expédiés », mais bien encré, je trouve son trait assuré et puissant. Son style rappelle un mélange de l’œuvre de son père et de celle de Jack Kirby (en beaucoup moins ostentatoire).<br /> <br /> En ce qui me concerne, j’aimerais bien que certains illustrateurs reviennent à une approche davantage « Vintage » et que l’ultra-violence des scénarios soit mise de côté au profit d’intrigues moins cyniques. Déjà, en leur temps, le « Punisher » et Wolverine » en solo me gonflaient un peu !<br /> <br /> Bon, allez ! Il ne faudrait pas que le commentaire soit plus long que la notule !
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Y
<br /> Merci Tejipe,<br /> Ca ne m'aurait pas gêné outre mesure que tu commentes plus longuement. Au contraire, ça fait plaisir :)<br /> Je dois t'avouer que je ne lis plus les traductions françaises depuis... les années '80! Mais en farfouillant un peu sur le net, j'ai vu que Panini, l'éditeur français actuel, annonçait pour<br /> octobre les épisodes qui correspondent aux numéros 575 et suivants de l'édition américaine. Donc, petit calcul approximatif, si les français publient 4 épisodes par mois (ce dont je ne suis pas<br /> sûr), on devrait voir arriver le n° 600 vers... Avril 2010. A prendre avec des pincettes, je peux complètement me tromper.<br /> Je ne savais pas que tu étais amateur de comics mais c'est une excellente surprise de voir que tu es un connaisseur. Encore merci d'être passé! <br /> <br /> <br />