TREME

Publié le par Youtokine Toumi

Créé par: David Simon et Eric Overmyer

Avec:Wendell Pierce, Clarke Peters, John Goodman, Steve Zahn, Khandi Alexander, Melissa Leo, Kim Dickens


Deux ans après l'arrêt de THE WIRE, David Simon revient, toujours sur HBO, avec une nouvelle série, TREME, attendue comme le messie par un public dont bon nombre considèrent THE WIRE comme "la meilleure série de tous les temps".
Les fans de THE SHIELD savent que cette dernière affirmation est évidemment fausse mais les qualités de THE WIRE n'en sont pas moins indéniables. Issu du journalisme, Simon avait réussi à atteindre avec cette série un degré de réalisme inégalé à ce jour et à mêler dans une harmonie parfaite l'intensité dramatique d'une fiction avec la critique acerbe d'une société américaine dont il est arrivé à montrer les dysfonctionnements sans tomber dans le manichéisme des "bons" contre les "méchants" ou du "c'est la faute à machin". THE WIRE avait su séduire en parlant au public à un niveau presque subconscient. En humanisant tous ses personnages sans exception, Simon balayait les  repères héros/vilains et obligeait le spectateur à parfois considérer la pire des ordures avec pitié ou le redresseur de tort avec mépris, à questionner notre sens des valeurs et notre capacité à porter un jugement moral sur les actions d'autrui.
Personnellement, avec l'âge, je me surprends à privilégier de plus en plus le divertissement à la réflexion. Peut-être est-ce pour ça que je suis plus sensible aux défauts de THE WIRE qu'à ses qualités, quoi qu'il en soit je retiens surtout de cette série sa lenteur, sa verbosité et le manque de panache de ses protagonistes. Je reconnais néanmoins qu'elle a été magistralement écrite et que sa critique de la société américaine est d'une intelligence qui rend humble.
Dire que David Simon était attendu au tournant avec sa nouvelle série serait donc un euphémisme. TREME est-elle à la hauteur des attentes?

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Voyons d'abords de quoi il s'agit, à commencer par ce titre bizarre.
N'ayant jamais entendu ce mot avant et ne sachant rien de la série, j'avais d'abords pensé que "treme" devait être une espèce d'expression argotique, une contraction du mot "extreme". Le "fanboy" en moi espérait surement une nouvelle série plus pêchue que THE WIRE; quelque chose d'un peu plus riche en sensations fortes.
Raté.
TREME fait en fait référence à un quartier de la Nouvelle-Orléans. D'ailleurs, ça ne se prononce pas "trime", comme je le pensais, mais "trémé". La nouvelle série de David Simon est "tout simplement" une chronique de la reconstruction de New Orleans après l'épisode tragique de l'ouragan Katrina.

Dans le pilote, dont l'action démarre trois mois après le passage de Katrina, David Simon et son nouveau compère Eric Overmyer (David Mills, le complice de Simon sur THE WIRE, faisait aussi partie de l'aventure mais il est tragiquement décédé pendant le tournage de TREME) s'amusent au jeu des "7 degrés de Kevin Bacon".

Reprenant le principe du récit épique qui caractérisait THE WIRE, Simon nous présente tour à tour la dizaine de personnages composant la galerie de TREME, dont on découvre peu à peu qu'ils sont plus ou moins liés les uns aux autres, au-delà de leur simple appartenance à la ville de New Orleans.

qfn-trm101.avi 003253416Wendell Pierce (qui jouait le rôle du detective Bunk dans THE WIRE) interprète Antoine Batiste, un musicien fauché qui traine sa galère avec une jovialité contagieuse entre les différents "gigs" qu'il trouve pour survivre. Antoine a été marié à Ladonna (Khandi Alexander) qfn-trm101.avi_004153816.jpgqui possède un bar et dont le frère était en prison lorsque l'ouragan s'est déchainé. Ne sachant pas si ce dernier a survécu au drame, elle s'adresse à Toni Bernette qfn-trm101.avi 004317813(Melissa Leo, une rescapée de la série HOMICIDE sur laquelle bossait Eric Overmyer), une avocate spécialisée dans le droit civique. Toni est mariée à Creighton Bernette, interprété par l'immense John Goodman. qfn-trm101.avi 001019351Creighton est professeur d'anglais mais c'est surtout un ardent porte-parole pour la ville et la culture de New Orleans. Il est clair que c'est à travers lui que les auteurs exprimeront leurs sentiments à l'égard de la gestion foireuse du désastre Katrina par l'administration Bush. Les Bernette dinent souvent au restaurant de Janette qfn-trm101.avi_000575199.jpg(Kim Dickens, que l'on a pu voir entre autres dans HOLLOW MAN) qui essaye tant bien que mal de retomber sur ses pieds après avoir presque tout perdu. Bien qu'elle ne le considère pas comme son petit ami, Janette couche avec Davis, un autre musicien raté qui gagne sa vie en faisant le DJ dans une radio locale. Davis est interprété par Steve Zahn qfn-trm101.avi 003505168(A PERFECT GETAWAY) qui vole absolument toutes les scènes dans lesquelles il apparait. Zahn parvient même à voler la vedette à Elvis Costello (le vrai!) sans dire un mot dans une séquence où pendant 5 bonnes minutes son personnage tourne pathétiquement autour du chanteur en ne sachant pas comment lui adresser la parole. Je ne sais pas encore si Davis sert uniquement de "comic relief" ou si ce personnage est appelé à jouer un rôle plus dramatique par la suite mais une chose est sûre, c'est à la fois le plus irritant et le plus humain de la galerie. Le genre de loser qu'on a envie de baffer en se disant en arrière-pensée que c'est principalement parce que l'on voit nos propres défauts en lui. En tout cas, le jeu de Steve Zahn est une des premières raisons d'accrocher à la série.

Davis a beau être exaspérant, il n'en connait pas moins beaucoup de monde dans son milieu artistique. Dont la clique de musiciens d'Antoine Batiste dont fait partie Delmond Lambreaux qfn-trm101.avi_002153609.jpg(Rob Brown), un trompettiste plus accompli que Batiste mais qui n'hésite pas à interrompre sa tournée pour revenir à New Orleans juste pour jeter un oeil sur son père. Ce dernier étant joué par un autre vétéran de THE WIRE, Clarke Peters. qfn-trm101.avi 003623661Le personnage de Peters, Albert Lambreaux, est probablement le plus dur à cerner pour qui n'est pas familier avec la culture neo-orleanaise, et j'avoue que je fais partie des ignorants. Albert est un "chef indien de mardi gras". Vous connaissez ou avez certainement tous entendu parler du carnaval de Mardi Gras de New Orleans, c'est probablement l'attraction la plus célèbre de cette ville. Les "Mardi Gras indians", par contre, sont beaucoup moins connus. Et pourtant, ils forment une composante essentielle du carnaval. Organisées en "tribus", ces indiens ont des traditions bien précises et une hiérarchie de tribu dans laquelle chaque membre joue un rôle bien défini. Un peu comme les "danseurs de dragon" du nouvel an chinois, pour ceux qui ont déjà vu un défilé de ce nouvel an. Dans TREME, si le personnage de John Goodman est censé représenter la voix de New Orleans, celui de Clarke Peters est manifestement supposé représenter son âme.

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Voilà déjà beaucoup de monde à rencontrer pour un seul épisode. Les fans de THE WIRE peuvent d'ores et déjà se réjouir sur un point: TREME est aussi riche en personnages et en histoires entremêlées que son illustre prédecésseur. La question qui se pose maintenant est: ces histoires valent-elles la peine que l'on s'y intéresse? Là, la réponse est beaucoup moins évidente que pour THE WIRE.

Il n'était en effet pas trop dur de rentrer dans l'intrigue de THE WIRE, malgré la lenteur de l'action, car, à la base, la série démarrait assez conventionnellement comme un "cop show" typique. Une bande de dealers sont mis sur écoutes par une bande de flics plus ou moins livrés à eux-mêmes?... bien entendu que je veux voir où ça mène! Dans TREME, par contre, à part l'histoire du taulard recherché par sa soeur, aucune trame particulièrement captivante n'est là pour retenir l'attention. TREME n'est pas censé fournir du suspense. C'est une chronique qui se veut aussi réaliste que THE WIRE... sans l'intensité dramatique de l'intrigue. Où est l'intérêt, alors?

Si vous avez bien lu le principe de la série énoncé plus haut, vous devez vous douter de la réponse. Je répète pour les autres: TREME chronique la reconstruction de New Orleans après le passage de l'ouragan Katrina.

Avec cette nouvelle série, Simon et Overmyer nous invitent à essayer de comprendre si et comment une société toute entière peut espérer renaitre après avoir vécu une tragédie aussi bouleversante.

Il faut peut-être maintenant souligner le caractère unique de New Orleans aux Etats-Unis. C'est pratiquement la ville la moins américaine du pays. Avec ses cajuns, son gumbo, son jazz... la ville a sa propre culture dans une espèce de niche à l'intérieur de la culture américaine "en général". La débacle du manque de réaction de Bush lorsque 80% de la ville fut inondée suite au passage de Katrina accentue encore plus cette espèce d'ostracisme des habitants de Louisiane par rapport à leurs compatriotes nationaux. Au delà du désastre humain, si le drame de Katrina est perçue aussi tragiquement aux Etats-Unis c'est aussi parce qu'en un sens une culture entière (c'est bien ainsi qu'on définit un ensemble de traditions, non?) a failli être éradiquée.

Et voilà donc l'intérêt de la série. C'est à assister à une résurrection (ou pas) que nous sommes conviés.

qfn-trm101.avi 000541165Tout comme dans THE WIRE, c'est probablement dans la durée que l'on se rendra compte de la portée de l'histoire de TREME, et tout comme dans THE WIRE, David Simon prend son temps pour nous la raconter. Peut-être un peu trop diront ceux qui, comme moi, ont un peu de mal avec les séries au rythme hyper lent. Mais ce n'est pas tous les jours que nous pouvons affirmer en toute confiance être devant une série qui est authentiquement intelligente. Les shows de David Simon en font partie. Il serait bête de ne pas s'accrocher. La rançon au bout du voyage pourrait bien en valoir la peine.

Publié dans Séries TV

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M
<br /> <br /> je vais te contredire youto (pour une fois) the wire est pour moi la plus grande série de touts les temps devant les soprano (qui devait l'étre sans son affreux épilogue) et the shield. La série<br /> est merveilleusement bien écrite et les perso sont trés travaillés (mac nulty/dominic west épatant mais ils le sont tous) le show sonne trés vrai et réaliste (the shield est<br /> incontournable mais pas réaliste faut l' avouer) d'ou sa fausse lenteur car l' intrigue est sacrément menée, passionante et a des fulgurances de violence trés séches. Pas redondant du<br /> tout car chaque saison prend un postulat de départ différent (la drogue; les dockers,la politique l' éducation et le journalisme dans son ultime saison) la série dispose nottamment d'un des<br /> plus charismatiques méchants de l'histoire des séries en la personne de omar. simon est un pur génie et a cause de lui je me suis ruiné en imports avec les coffrets dvd de son oeuvre. Son<br /> génération kill etait plutot bien foutu (mais garde sa  "lenteur"  comme tu dis) et a mis la misére au "over there" de stephen bochko sur le méme théme (la guerre en irak)<br /> jattend ce tréme de pied ferme en tout cas méme si sa ne saur pas un thewire2<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Mais ça m'étonne pas en fait <br /> <br /> <br /> Depuis que tu m'as dit que t'apprécies Sons of Anarchy et Mad Men, je me doute que tu dois aimer les séries intelligentes. Et c'est très bien que nos gouts soient comparables sans être<br /> identiques, ça enrichit le débat. Tant que tu me dis pas que t'es fan de Beverly Hills ou Melrose Place, je te permets sans problème de me contredire! <br /> <br /> <br /> <br />